Mémoires de l’exode
Dans les mois qui suivent l’exode, surgissent des témoignages d’une puissance évocatrice sans pareil. Les dessins réalisés par les élèves d’Adrienne Jouclard en 1941 mettent en scène des souvenirs précis, dans des effets de composition qui expriment ce que les photographies ne peuvent montrer : la manière dont les événements ont été perçus par des enfants.
Irène Némirovsky envisage, dès l’automne 1940, d’écrire un roman sur l’exode. Drôle et amer, il rend compte de façon magistrale de l’expérience d’un temps suspendu, propice à renverser les codes sociaux et la morale. Le manuscrit, conservé dans une valise confiée à ses filles qui échappent à la déportation, sera publié en 2004 sous le titre Suite française.
De retour à Paris en juillet 1940, Simone de Beauvoir raconte : « Pendant ces trois semaines, je n’étais nulle part (…) je voudrais redevenir une personne avec un passé et un avenir. » L’écho du traumatisme des 6 à 8 millions de Français, réfugiés dans leur propre pays, n’est pas sans résonner aujourd’hui encore. Pour beaucoup, il s’apparente à la longue séquence d’ouverture du film de René Clément, Jeux interdits.