Rencontre avec Pablo Picasso et Paul Eluard
Après les combats de la libération de Paris, tous les camarades de Madeleine Riffaud se sont engagés dans l'armée afin de poursuivre les Allemands jusqu'à Berlin. Madeleine ne peut, elle, y entrer, pour trois raisons : femme, mineure et malade de la tuberculose.
Elle erre dans Paris pendant quelques mois, jusqu'au 11 novembre 1944, où elle croise Claude Roy (qui a publié certains de ses poèmes après leur rencontre au sanatorium). Il l'emmène dans un petit café de l'avenue de Wagram où se réunissent ses amis : Tristan Tzara, Aragon, et Paul Eluard. Ce dernier remarque son regard perdu et l'invite à venir chez lui le lendemain. Grâce à lui, elle publiera son premier recueil de poèmes, Le poing fermé, pour lequel le poète demandera un portrait à un ami non moins célèbre... Pablo Picasso.
Paul Eluard aidera Madeleine à commencer sa guérison du choc post-traumatique dans lequel elle se trouve. C'est aussi lui qui lui trouvera un métier ; puisqu'elle sait écrire, pourquoi ne pas devenir journaliste ? Mais, quitte à chercher la vérité, autant aider les causes qui semblent perdues. Au Vietnam, en Algérie, dans les maquis du monde entier, elle deviendra reporter de guerre.
A Paul Eluard.
La liberté, c'est ce cours d'eau
qui vient passer sur ta maison.
Tous les gens de la rue y puisent à pleins seaux.
Les filles fatiguées y viennent se baigner
le soir, quand la sirène ouvre les ateliers.
Et l'on y lave, aussi, les vestes de travail.
Je te regarde face à face
et je vois l'eau du fleuve
aux hublots de tes yeux.
Tu t'en vas sur le fleuve,
avec le fleuve, vers la mer.
Je viens, nous venons tous, nous nageons près de toi,
écume du sillage ou feuilles emportées,
frôlés de poissons d'or, survolés d'éperviers -
C'est un fleuve sans rive et notre foule s'y perdra,
se fondra, fraternelle, à celles de partout.
Demain, ceux qui vivront trouveront naturel
d'être au large, au soleil, sur la mer Liberté.
1946. Poème publié dans cheval Rouge.
