Les manuscrits de Pierre Vidal-Naquet
Le fonds d’archives relatif au Trait empoisonné, réflexions sur l’affaire Jean Moulin (1993) permet de saisir la méthode de travail et le fil de la pensée de son auteur. Peu de dossiers d’archives de Pierre Vidal-Naquet ont conservé les différentes étapes de la publication d’un ouvrage.
Comme souvent pour les essais traitant de l’actualité, la démarche procède de la volonté de rétablir une vérité bafouée. Ici, le débat porte sur « l’affaire Jean Moulin » : le héros-martyr de la Résistance est accusé d’avoir été un agent soviétique avant-guerre. Pierre Vidal-Naquet se propose de comprendre comment a pu s’élaborer ce mensonge.
Partant de l’accusation, il réfléchit à la symbolique du panthéon pour la République et analyse la déconstruction d’un mythe.
Il nourrit sa réflexion de nombreuses lectures et complète sa documentation. À ce stade, des amis, des proches lui fournissent du matériau. Il constitue des fiches de lecture qui se caractérisent par leur simplicité : quelques pages repérées et quelques mots notés pour un ouvrage lui suffisent à le garder en mémoire.
Le plan s’affine et les parties se mettent en place. Elles semblent écrites d’une traite, même si l’auteur confesse que ce manuscrit fut « sans cesse remis sur le métier ». En réalité le texte a déjà subi de multiples réécritures, mais les brouillons n’ont pas été conservés. On sait, par son épouse Geneviève, que Pierre Vidal-Naquet remplissait des corbeilles à papier de textes mal rédigés à son goût. Malgré tout, si on en croit les archives, ce sont surtout les notes (l’appareil critique) qui évoluent, s’allongent considérablement, se font plus précises. Le manuscrit saisi, de nouvelles relectures s’imposent, pour bientôt aboutir au texte publiable.