L’attente
Les nombreuses scènes d’attente, dont certaines, croquées dans le carnet ont été retravaillées sur feuilles volantes, dévoilent un autre aspect de la vie des internés. Pour tous à partir de quinze ans, la journée est remplie par des travaux de toutes sortes, rigoureusement contrôlés par l’Arbeiteinsatz, une section de l’administration juive du ghetto. Seuls les vieillards et les malades sont dispensés de travailler. Arthur Goldschmidt dessine à plusieurs reprises ces groupes d’hommes et de femmes âgés ou affaiblis qui passent leur journée assis sur un tronc d’arbre ou sur une chaise pliante, lisant un livre, prenant des notes ou, comme lui peut-être, s’appliquant à reproduire les visages et les lieux qui les entourent.
Il se dégage de ces scènes une impression de grande étrangeté. Le poids de l’enfermement y est perceptible, alors même qu’aucun élément signalant l’enceinte ou les gardes du ghetto ne sont visibles. Arthur Goldschmidt décrit ainsi le sentiment de terreur généré par l’attente :
« On prévoyait une fin violente, mais on ne savait pas quand ni comment elle viendrait. La guerre serait-elle gagnée, serait-on anéanti par des bombardements aériens ou fauché à coups de mitrailleuses ? Peut-être sur la place du marché ou dans ce vallon où, une journée pluvieuse de novembre, toute la population fut poussée comme du bétail du matin jusqu’au soir pour y être comptée. (…) Un autre destin mortel frappait jour après jour au portail : " Convoi " ! Toutes les huit à douze semaines, une, deux ou cinq mille personnes étaient désignées pour le transport, nul ne savait qui et quand on serait désigné. »