Le carnet
Dans le fascicule qu’il écrit à son retour de déportation, Arthur Goldschmidt mentionne les efforts qu’il dut déployer pour constituer la liste des membres de la communauté évangélique du camp. Les noms associés à un numéro de block ou de bâtiment qui couvrent les premières et dernières pages de son carnet de dessins en constituent le précieux témoignage.
Ce carnet est également riche de thèmes absents des dessins sur feuilles volantes. On y découvre le travail de jardinage dans les douves, un cheval de trait, une carriole emplie d’un amoncellement de cercueils se dirigeant vers le crématorium, la distribution de la soupe, des gisants ou des corps affaiblis, et, à plusieurs reprises, des files de gens « partant pour la Pologne ». Arthur Goldschmidt conservait probablement sur lui ce carnet et l’utilisait pour croquer sur le vif des scènes particulièrement saisissantes.
L’une des doubles pages présente ainsi des couples de personnes âgées. À gauche, la tête d’un homme repose sur la poitrine de sa femme, à droite un autre coiffe les cheveux de son épouse. Ces dessins, avec les trois portraits d’enfants présents dans le carnet, sont sans doute les témoignages les plus troublants du corpus quand on se souvient de l’âge du dessinateur au moment de leur exécution. Né en 1873, Arthur Goldschmidt a près de 70 ans en 1942.