Le visage de l'attente
Le visage du compagnon d’infortune est un leitmotiv des productions artistiques des prisonniers de guerre français. Œuvres d’amateurs ou d’artistes confirmés, elles livrent une vision poignante de cette importante « communauté » de captifs condamnés à l’attente et livrés à la promiscuité. Leur nombre même, 1 600 000 prisonniers, explique l’importance de ces témoignages au sein des collections du musée qui leur consacra en 2011 une exposition de référence. La série de portraits réalisée par Jean Billon au stalag VIIIC, en Silésie, a été confiée au musée par les descendants du peintre en 2002. Dans l’édition prestigieuse qui accompagne les 66 dessins exposés en France dès l’année 1942, le médecin lyonnais René Biot salue la magie du portraitiste qui a su rendre vivants ceux « que nous cherchons à tâtons ».
En 2002, le CHRD reçoit en don, de la part de la famille du peintre, soixante-sept portraits réalisés par le prisonnier de guerre lyonnais Jean Billon durant ses deux premières années de détention au stalag VIIIC. Le camp dispose d’une « baraque-atelier » où d’anciens élèves des Beaux-Arts sont alimentés en toiles, chevalets et couleurs à des fins de propagande par les autorités allemandes. Sagan sera d’ailleurs présenté comme un « camp modèle » par le Comité international de la Croix-Rouge en 1940, sans anticiper la très rapide dégradation des conditions de vie dès l’année suivante. De propagande, il en est aussi question pour le gouvernement de Vichy, auquel le rapatriement des œuvres des soldats offre l’occasion de campagnes mettant en scène la compassion du Maréchal. Organisée sous le patronage du commissariat général aux prisonniers de guerre, la première exposition des Visages de Jean Billon est présentée du 24 février au 2 mars 1943 à la Galerie Roger à Lyon. La plaquette de présentation est préfacée par le Cardinal Gerlier, présent le jour de l’inauguration aux côtés de l’artiste rapatrié à l’issue de 28 mois de captivité.