Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation conserve des collections remarquables sur les prisonniers de guerre. Cette thématique est régulièrement développée par le musée, notamment depuis 2002, suite au don exceptionnel réalisé par Régis Billon, neveu du peintre lyonnais Jean Billon. Cette donation se compose de 67 portraits de prisonniers réalisés en 1941 par Jean Billon lors de sa détention au Stalag VIII C de Sagan, situé en Silésie.
En 2008-2009, l’exposition Prisonniers de guerre, histoire d’une communauté captive permet de dévoiler dix-huit de ces portraits. Deux d’entre eux sont également présentés dans le parcours permanent du CHRD, dans une séquence intitulée « Les hommes au loin », illustrant le poids de ces absents dans le quotidien des Lyonnais pendant la guerre. En 2022, 54 portraits de cette collection unique sont présentés de manière spectaculaire au sein de l’exposition Visages – Portrait des collections du CHRD qui célèbre les 30 ans de l’institution. C’est à l’occasion de recherches complémentaires effectuées dans le cadre de cette exposition que l’équipe du musée a connaissance de la vente d’un lot d’œuvres de Jean Billon par la Galerie Charvet située à Paris. Acheté par le musée en 2021 et présenté en commission d’acquisition l’année suivante, ce lot se compose de huit portraits de prisonniers, de cinq vues réalisées au Stalag VIII C et d’un exemplaire de l'ouvrage Visages de prisonniers par Jean Billon tiré à 1 000 exemplaires en 1944.
L’exposition Visages – Portrait des collections du CHRD permet également à l’équipe du musée de renouer avec Régis Billon qui propose en don de nouvelles pièces exceptionnelles : une caricature d’un prisonnier de guerre réalisée par Jean Billon en 1941 ; un menu de réveillon imaginé et illustré par Jean Billon à l’occasion de Noël 1941 ; le livre d’or de l’exposition Visages de Prisonniers qui eut lieu en 1943 ; un feuillet de présentation d’une exposition de peinture organisée par Jean Billon en 1945. Cette nouvelle donation permet ainsi d’enrichir de manière remarquable l’un des fleurons de la collection du musée.
Comme tous les hommes de troupe faits prisonniers par les Allemands, Jean Billon est envoyé dans un stalag. Le Stalag VIII C de Sagan a pour spécificité de disposer d’une « baraque-atelier », baptisée par les prisonniers « villa Île-de-France », où d’anciens élèves des Beaux-Arts sont approvisionnés en toiles, chevalets et couleurs à des fins de propagande par les autorités allemandes. Le camp de Sagan est ainsi présenté comme un « camp modèle » par le Comité international de la Croix-Rouge qui l’inspecte en 1940, et qui note son extraordinaire vitalité artistique, sans anticiper la très rapide dégradation des conditions de vie dès l’année suivante. Construit en 1939, ce stalag, d’abord destiné aux Français, présente également la particularité d’accueillir des prisonniers belges, anglais, italiens, américains, tchèques, grecs, hollandais, canadiens, yougoslaves, russes, marocains et sénégalais. Ce cosmopolitisme se retrouve de manière exemplaire au sein des portraits que réalise Jean Billon pendant ses années de détention.
Il interprète certains de ces visages avec humour et traduit avec finesse les particularités physiques des prisonniers représentés. Ces caricatures sont marquées par le cachet du stalag et signées en bas à droite par Jean Billon avec la mention « 41, Sagan, Stalag VIII C, villa Île-de-France ». Conservées aujourd’hui par des descendants de prisonniers de guerre, ces caricatures n’étaient jusqu’ici pas connues du CHRD. La caricature confiée au musée par Régis Billon représente le prisonnier de guerre Henri-Ernest Giscard, architecte qui a participé à l’aménagement de la « villa Île-de-France ». Elle témoigne de la nécessité de se divertir malgré les restrictions et du talent de caricaturiste de Jean Billon. Ce même trait humoristique se retrouve au sein du menu fictif qu’il confectionne pour amuser ses camarades de captivité à l’occasion de Noël 1941. Ce menu, rédigé avec humour, constitue un véritable échappatoire pour les détenus soumis aux privations. Cette caricature et ce menu offrent ainsi une autre facette de l’art exercé par Jean Billon en captivité.
Informations techniques
Feutre, encre, aquarelle sur papier